Brigitte Jalbert
– UNE AFFAIRE DE CŒUR
– UNE AFFAIRE DE CŒUR
Brigitte Jalbert a bâti le succès des Emballages Carrousel en jouant ses propres cartes: l’écoute, l’empathie, la confiance, le flair et une vision inébranlable de l’entreprise.
Portrait d’une femme d’affaires atypique.
Quelques minutes suffisent pour se rendre à l’évidence. Brigitte Jalbert n’est pas une entrepreneure comme une autre. L’œil pétillant, le verbe facile, sourire à l’avenant, elle correspond très peu à l’image que l’on se fait du grand patron calculateur et intransigeant.
«Encore aujourd’hui, j’ai de la misère à dire que je suis une femme d’affaires, déclare-t-elle avec une sincérité désarmante. Moi ce qui me drive, ce ne sont pas les chiffres, ce sont vraiment les gens.»
Pourtant, l’entreprise qu’elle dirige, affiche des résultats à rendre jaloux: 450 employés, 20 000 clients, des plus petits aux multinationales, près de 300 fournisseurs et 380 000 pi2 d’entrepôts au Québec et en Ontario.
Sous sa gouverne, Emballages Carrousel s’est imposée comme la plus importante entreprise indépendante de distribution d’emballage alimentaire, industriel et de produits sanitaires au Canada. Depuis qu’elle a pris la direction en 2011 de la compagnie fondée par son père à Boucherville 40 ans auparavant, cette femme dans la jeune soixantaine a plus que doublé le chiffre d’affaires. Pas mal pour une PDG «qui ne pensait jamais le devenir».
Brigitte Jalbert
Rembobinons. Brigitte dans la vingtaine cultivait d’autres ambitions que de suivre les traces de son père. «J’avais un profil plus artistique», résume-t-elle. Elle fait donc des études en photographie qu’elle pratique quelques années.
Mais d’un job d’été à un autre, elle apprend à connaître l’entreprise de l’intérieur. Elle cumule les emplois, touche à presque tous les secteurs, puis fait son nid au marketing et aux ressources humaines, avec vue imprenable sur le marché et les besoins particuliers de ses clients. Résultat : la jeune femme qui «se cherchait tellement» finit par se trouver. Et pas juste un peu. Pour paraphraser Michel Tremblay, on pouvait sortir la fille de l’emballage, mais on ne pouvait pas sortir l’emballage de la fille.
À travers les années, Brigitte Jalbert s’inspire du paternel qu’elle fréquente au quotidien. «J’aimais sa façon d’être avec les gens, autant les employés que les clients. C’était un homme sensible aux autres. Il arrivait à ses fins en restant humain.»
La passation du flambeau entre le père et la fille, en revanche, ne se fera pas sans heurts. «Son entreprise, c’était sa vie, son identité profonde, évoque-t-elle la larme à l’œil. Mon père ne voulait pas partir. Il ne nous faisait pas confiance.»
Mais c’était bien mal connaître Brigitte de croire qu’elle se laisserait démonter. Un soir de janvier 2011, elle prend son courage à deux mains et invite son père à souper. «Je lui ai dit: papa, tu as 75 ans, tu refuses de vendre, et tu veux que l’entreprise reste dans la famille. C’est quoi alors la solution ?»
Eh oui, la solution était assise devant lui. Elle lui explique en long et en large ce qu’elle compte accomplir comme présidente. Moderniser d’abord. Tout. La logistique de l’entrepôt. Le système informatique. La gestion globale. Cinq mois plus tard, lors de la fête du 40e anniversaire, elle prend la parole devant un vaste parterre d’employés. «Papa a bâti les fondations, à nous maintenant de bâtir ensemble les étages. Mais sans vous, je n’y arriverai pas.»
Employés de Carrousel
Jamais Brigitte Jalbert ne prendra seule le crédit du pas de géant que l’entreprise a réalisé sous son règne. L’entrepreneuriat n’est pas un one-woman-show, à son avis. Comme elle le dit, elle a excellé dans l’art de bien s’entourer, exerçant son pif pour recruter les bonnes personnes. «Dès le jour un, j’ai commencé à bâtir une équipe de direction solide et impliquée en qui j’ai pleinement confiance. C’est comme si mon père m’avait aussi appris à ne pas répéter les mêmes erreurs.»
Pour elle, un bon entrepreneur, c’est quelqu’un capable de voir le potentiel des gens et de les faire évoluer à l’intérieur de l’entreprise, dans un safespace. «Notre réceptionniste d’il y a 20 ans est aujourd’hui directrice du département d’écoresponsabilité», cite-t-elle fièrement en exemple.
L’écoute est son secret le moins bien gardé. «Écouter vraiment, précise-t-elle. Pas juste faire semblant.» Solide leader, elle aime les gens qui le lui rendent bien. Dans ce contexte, la confiance engendre la confiance. «Et surtout, il faut avoir une vision stratégique et globale de ton entreprise. Bien connaître ses besoins. Et savoir où l’on veut aller.»
Bureaux et entrepôt de Carrousel sur Ampère, à Boucherville.
Emballages Carrousel a le vent dans les voiles. Des offres d’achat, Brigitte Jalbert en reçoit tous les mois ou presque. Sa réponse ? «J’en ferais quoi de cet argent-là. Je ne serais pas heureuse. J’ai promis à mes employés que je ne vendrais pas. Si je vends, ce sera à ma famille ou à des employés clés.» L’entreprise est familiale et le restera. De cœur et d’esprit. Elle s’en fait un devoir.
Et son avenir à elle, de quoi sera-t-il fait? Depuis trois ans, Brigitte a pris du recul. Elle a confié les opérations courantes à son précieux associé Michel Bourassa. Nouvellement grand-mère, elle commence à penser à elle… et encore beaucoup aux autres. Toujours aux autres. Les projets ne manquent pas. Poursuivre sa mission d’ange financier. Donner des conférences. Faire du mentorat. «Je me fais un devoir de transmettre aux plus jeunes ce que j’aurais aimé savoir à 30 ans.» Ce n’est pas tout: elle investit dans une auberge aux Îles-de-la-Madeleine où elle s’est fait construire une maison.
« L’avenir, je le prépare chaque jour, soutient Brigitte Jalbert. Je l’entrevois avec curiosité et beaucoup d’optimisme. » Et la curiosité, ce n’est pas ce qui lui manque. Son appétit de connaître n’a pas de limites. Il passe aussi par les voyages qu’elle se promet. «Ma bucket list est tellement longue», dit celle qui revenait, des étoiles dans les yeux, d’un voyage d’un mois dans les Pouilles, en Italie.
«C’est aussi pour ça qu’il faut bien s’entourer», conclut-elle, en affichant son sourire le plus complice.
Texte d’Hugo Léger
Malcom.one | Stratégie d’affaires